Après notre aventure nomade en Europe (Voir article : Vanlife : faire Tiers Lieu en van aménagé ?) nous retournons dans nos familles respectives pour les fêtes de fin d’années. Un peu inquiets au sujet de notre situation, nos proches nous demandent : “Qu’allez vous faire maintenant ?” Il était temps de les rassurer : Cécile débutait un contrat à la Maison des Jeunes et de la Culture (MJC) dans la drôme des collines.
Arrivée dans la Drôme et expérience à la MJC
Bienvenue à Saint-Donat-sur-l’Herbasse, petite bourgade aux aires de vacances grâce à ses maisons typiques du sud de la France. Il est impossible de traverser ce charmant village drômois sans admirer son imposant prieuré qui siège sur la colline. Sa population de 4000 habitants en fait le village qui concentre tous les principaux commerces des alentours. Nous venions tout juste d’emménager dans un appartement donnant sur la rue principale. Par chance, une grande terrasse extérieure permettait de profiter pleinement du soleil.
Les activités de la MJC du pays de l’Herbasse se divisent en plusieurs pôles : Le pôle jeunesse, le pôle enfance, le pôle social, le pôle cinéma, le pôle culture, le pôle numérique, et enfin le pôle famille, animé par Cécile. Elle propose des ateliers réguliers et des animations tout le long de l’année. Les gros événements culturels qui mobilisent une large partie des bénévoles sont le Ciné marmaille et les Monstrueuses Rencontres. Dès notre arrivée, nous avons participé à une soirée concert puis à une conférence débat animée par l’association Négawatt.
C’est Géraldine, animatrice du pôle numérique, qui nous a poussé sur le chemin des tiers lieux.
MJC/Tiers Lieux, et si on comparait ?
La MJC du Pays de l’Herbasse intègre le listing de France Tiers Lieux grâce à son Espace Public Numérique. D’autres, comme la MJC Héritan, propose même un pôle Tiers Lieu avec 5 activités et un animateur dédié. A contrario, il existe des Tiers Lieux culturels comme le projet Bouillon Cube, ou encore le projet la MIETE qui s’est construit sur les bases d’une ancienne MJC. Alors une MJC est-elle un tiers lieu, et un tiers lieu peut-il s’apparenter à une MJC ?
Un peu d’histoire
Les MJC sont apparues à la fin des années 50 sous l’impulsion du ministère de l’Education nationale. En effet, les statuts de l’association nationale FFMJC prévoyaient une supervision de l’État par la présence des inspecteurs de la Jeunesse et des Sports. Ils bénéficiaient d’une place en tant que membre de droit des conseils d’administration. De plus, le statut de directeur-éducateur de MJC était créé et financé par des subventions publiques. L’État apportait ainsi une aide financière et technique, et les organisations de jeunesse assuraient le lien avec les jeunes : c’était une approche descendante.
On estime que les premiers tiers lieux sont apparus à la fin des années 2000, avec l’ouverture des premiers espaces de coworking. À la différence d’une MJC, ils ont été créés à l’initiative de citoyens, indépendamment d’une volonté d’État. Ce n’est qu’à partir de 2018 que le gouvernement mesure l’ampleur du phénomène. Le rapport “Mission Coworking : Faire ensemble pour mieux-vivre ensemble” dénombre près de 1800 structures de ce type sur le territoire ! Dès lors, le ministère de la cohésion des territoires s’empare du sujet et propose en 2019 le plan gouvernemental “Nouveaux Lieux, Nouveaux Liens” pour accélérer la création des tiers lieux. L’association nationale France Tiers Lieux voit le jour, appuyée par un Conseil national des tiers lieux. C’est donc une approche ascendante, qui tend vers une forme mixte ascendante/descendante.
Structure et mode de gouvernance
Toutes les MJC sont des structures associatives de type Loi 1901. Elles héritent d’un cadre assez rigide qui date des débuts de leur création. Une assemblée générale élit des administrateurs qui définissent les grandes lignes du projet associatif, qui élisent à leur tour un bureau. Le directeur est chargé de mettre en place le projet sur le terrain avec une équipe d’animateurs appuyés par des bénévoles. Finalement, la gouvernance est assez semblable à celle que l’on retrouve dans une entreprise.
Un tiers lieu peut être un collectif informel, une association, une entreprise, une coopérative, ou un mix de tout ça ! La gouvernance dépend du type de structure, mais est majoritairement partagée en engageant un maximum de parties prenantes. Un tiers lieu peut bénéficier de subventions ou d’aide à l’investissement de la part de collectivités comme les communautés de commune. Cependant, il est souvent difficile d’embaucher une équipe d’animateurs. Ce sont généralement des bénévoles qui animent le lieu, ou des contrats aidés. Mais le secteur se professionnalise, avec l’apparition du métier de Facilitateur de tiers lieux depuis 2015.
Besoin social, public ciblé et activités
À l’origine, la MJC devait lutter contre l’oisiveté et l’ennui des jeunes à un moment où le phénomène des bandes commençait à inquiéter l’opinion. Il fallait que la jeunesse “inorganisée” s’intègre, et sache faire bon usage de la société de loisir en plein essor. Les MJC apportent de la culture, des débats et de l’épanouissement pour cette jeunesse : le besoin social est donc l’éducation populaire et l’insertion des jeunes. Aujourd’hui, les MJC s’ouvrent aussi bien aux enfants et adolescents qu’aux parents, toujours sur la base de leurs intérêts de loisir.
Les tiers lieux assurent aussi la création de liens sociaux, mais pas seulement à partir des loisirs : les coworkers se rencontrent dans des espaces partagés de travail (bureaux, ateliers, open space…), des makers viennent prototyper des pièces dans le fablab… Les utilisateurs des tiers lieux partagent des compétences qu’ils mettent en commun avec l’envie de propulser un dynamisme territorial, qu’il soit social mais aussi économique.
Dans les deux types de structures, il y a une grande polyvalence des activités. C’est pourquoi il est possible de retrouver les mêmes formules dans l’une ou dans l’autre.
MJC / Tiers Lieux : conclusion
Nous venons de le voir, les MJC et les Tiers Lieux présentent des similitudes dans les activités qu’ils proposent et dans leur utilité sociale. Chaque structure, à son époque, suscitait de forts intérêts de la part des politiques publiques. En 1965, tous les candidats à l’élection municipale avaient inscrit la construction d’une MJC dans leur programme ! Néanmoins, une MJC conserve un fonctionnement et une organisation typique. Il lui est impossible par exemple de recourir à un montage public/privé pour développer ses activités de tiers lieu. Au contraire, l’État s’appuie sur des partenaires privés pour développer les tiers lieux. Il est soutenu dans cette démarche par le gestionnaire d’actif international Amundi ou encore SNCF Immobilier.
L’État participe aussi à leur financement sous la forme de subventions. Cependant, il s’agit uniquement d’une subvention à l’amorçage d’une durée maximale de 3 ans, et non pas de subventions régulières. Qui plus est, tout le monde ne pourra pas en bénéficier. Les aides sont accordées sous la forme d’un appel à projet avec des places limitées. Ainsi, les tiers lieux sélectionnés devront nécessairement trouver un modèle économique d’ici à trois ans. Est-ce que cet impératif permettra de donner accès à la culture à moindre coût comme une MJC le fait ?
Enfin, le fait que des MJC tentent d’adopter le modèle tiers lieux doit nous interroger. Que se passera t-il si les deux structures apportent des offres similaires sur un même territoire ? Ne serait-il pas un bon moyen pour l’État de se désengager du financement des MJC ? Est-ce que ces alliances avec des fonds d’investissement ne sont pas une façon de remplacer des subventions publiques par des financements privés sous condition de rentabilité ?
Un grand merci à toute l’équipe de la MJC de saint do 🙂
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